Quantcast
Channel: Balaneia, thermes et hammams - 25 siècles de bain collectif en Orient » Maroc
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Le hammam n’est pas mort… il dérange encore !

0
0

Jean-Claude David – Autour d’un article publié sur le site du quotidien marocain L’Opinion, édition du 4 juin 2012 :

Rabat – Le calvaire des voisins d’un hammam au quartier Yacoub El Mansour

Du côté du hammam Al Afrah, on ne peut pas dire que les voisins sont joyeux. En effet, les habitants du bloc M, Amal 3 à Yacoub El Mansour à Rabat, affirment souffrir le martyr du fait des nuisances multiples causées par ce bain qui ne respecterait aucune norme.

Ces derniers déclarent être affreusement lésés et perturbés par la pollution provoquée par les combustibles utilisés par le propriétaire du bain (débris de sciure) ainsi que les nuisances olfactives et les difficultés respiratoires qui s’en suivent. Ces habitants de la rue du « hammam Al Afrah » …

lire la suite sur le site l’Opinion.ma

Le chauffeur du hammam est privilégié : à plusieurs mètres sous terre il est à l’abri des fumées qu’il provoque. Au chaud toute l’année et loin du regard de tous il ne fait pas de frais de toilette et ses vêtements ne lui coûtent pas cher. Pendant tout le temps qu’il passe devant son praefurnium il n’a pas besoin d’allumer de lampe ni de bougies puisque la lueur du foyer suffit pour distinguer le tas de combustible en réserve qu’il enfournera tout au long des journées ; de nos jours il bénéficie sans doute d’une ampoule électrique (ou d’un néon), bien inutile.

Quand il apparaît devant le regard des autres au sortir de son sous-sol, son visage et ses mains sont généralement noirs comme ceux des chauffeurs de locomotive des temps héroïques (Jean Gabin dans « La bête humaine ») : la fumée n’est pas totalement tirée dans le circuit de chauffe de l’hypocauste puis dans la cheminée pour se répandre sur le quartier ; elle refoule aussi sans doute un peu par l’alandier.

Un chauffeur de hammam à l’œuvre dans un des derniers bains de Syrie encore chauffé à la sciure (Hammam Jouber el-Qadim, Rif Dimashk, cliché Th. Fournet 2009)

Le choix du combustible permet d’apprécier différents composants aromatiques, avant combustion et après, sous la forme de fumées : la sciure de bois est certainement un luxe, par rapport aux noyaux d’olives très utilisés autrefois à Damas et surtout à d’autres détritus et notamment aux bouses  et crottins divers très prisés dans des pays où le bois manque relativement. La modernité permet d’interdire l’utilisation de ces déchets divers, remplacés par un produit propre (pas encore généralisé au Maroc ?) : le mazout.

Autre privilège traditionnel du chauffeur du bain de Damas : procurer aux voisins du quartier et aux petits restaurants spécialisés une chaleur continue et modérée pendant toute la nuit, idéale pour la cuisson des fèves servies au petit-déjeuner. Sans doute bénéficiait-il d’une compensation pour ce service rendu à la collectivité.

Pourtant le chauffeur du bain connaît-il son bonheur ? S’il est misanthrope, sa réclusion lui permet d’éviter de côtoyer les habitants du quartiers, mécontents, et les clients (et clientes) du hammam. Le bain public est ainsi fait que les locaux techniques sont totalement séparés des espaces voués au public : les seuls « contacts » entre les deux espaces se limitant à la diffusion de la chaleur du feu par l’eau et la fumée. On peut espérer que ses journées de travail terminées le chauffeur pourra prendre un bon bain réparateur et revigorant, après le départ des clients, dans le hammam pour lui tout seul ? Mais n’est-il pas trop sale pour entrer dans ce lieu d’hygiène et de propreté ? Et alors osera-t-il circuler dans les rues du quartier, avec sa crasse, et dans le ressentiment du voisinage perturbé par sa fumée, et rentrer chez lui pour se laver ? Mais a-t-il un chez-lui autre que sa douce cave et sa chaudière ?

La biographie du chauffeur de hammam n’est-elle pas encore à faire ?

Jean-Claude David

 

balneorient

L'identifiant "Balnéorient" regroupe deux des membres du projet éponyme, Th. Fournet (Ifpo) et B. Redon (HiSoMA), en charge de la mise en ligne des billets. Ces derniers sont cependant souvent le fait d'autres participants au programme. Ils sont dans ce cas signalés comme auteur.

More Posts


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images

Trending Articles



Latest Images